MORPHEE
- Morphologie : outils et méthodes du marché de l'évaluation environnementale
Morphologie : outils et méthodes du marché de l'évaluation environnementale
En France, les outils et méthodes de l’évaluation environnementale sont peu standardisés, ce qui complexifie le travail des instructeurs en charge de l’évaluation du volet environnemental des études d’impact et qui interroge l’équité entre pétitionnaires. Le projet MORPHEE est construit autour de l’ambition d’examiner cette diversité pour en comprendre les déterminants économiques, sociaux et techniques. Il repose sur une double hypothèse : l’évaluation environnementale étant en France l’objet d’un marché sur lequel sont positionnés des bureaux d’études et des associations naturalistes, en réponse à une demande d’évaluation englobant une diversité de types de projets et de milieux, c’est en analysant à la fois l’offre et la demande en évaluation environnementale qu’il est possible d’en appréhender les déterminants. Le projet comporte deux axes de recherche. Le premier s’intéresse aux effets de la mise en concurrence des organisations de conseil sur un marché pour en saisir les stratégies de différenciation. Le second porte sur l’analyse des corrélations entre le type de projet, le type de milieu et les outils et méthodes développés dans les études d’impact, en prenant les cas des projets d’ILTe et de ZAC en Occitanie et dans les Hauts de France.
Apports et résultats
Le projet démontre :
1. Il n’est pas possible de faire une corrélation entre les caractéristiques organisationnelles des organisations de conseil et les outils et méthodes utilisées. Les unités d’évaluation des impacts ou les méthodes de mise en équivalence varient non seulement d’une organisation à l’autre, mais aussi d’un projet à l’autre au sein d’un même bureau d’études. Ce qui apparaît plus discriminant est le recours à des bases de données développées en interne, qui est une spécificité des grands bureaux d’études et leur confère une capacité de traitement des dossiers.
2. Le travail sur les méthodologies formalisées dans les études d’impact et les dérogations espèces protégées montre qu’il n’est pas possible de corréler leur hétérogénéité au type de projet, au type d’écosystème ou encore, au bureau d’études concernés.
Ensemble, ces deux résultats témoignent de l’absence de logique scientifique ou réglementaire prévalant à la construction des évaluations environnementales. Les entretiens conduits avec les responsables et écologues des bureaux d’études montrent en quoi à mesure que les bureaux d’études croissent en taille, les chaînes de production des données s’allongent, et la capacité de contrôle de leur qualité est plus limitée.
In fine, si la doctrine ERC contient l’idée que l’absence de standardisation des outils et des méthodes permet d’adapter l’évaluation aux conditions locales, le projet MORPHÉE permet de comprendre que cette adaptation aux conditions locales concerne en pratique davantage la relation commerciale que le contexte écologique des projets.
Préconisations pour l'action
- Imposer une meilleure transparence sur les outils et les méthodes utilisées dans les études d’impact
- Renforcer le contrôle des évaluations
- Expérimenter un système de ratios formalisés par les services de l’État
Pour aller plus loin
Articles dans des revues scientifiques à comité de lecture
Pelta, Zoé, Yves Bas, et Fanny Guillet. « The impact assessment: A hidden form of flexibility in the mitigation hierarchy ». Biological Conservation 286 (2023) : 110301
Barral, Stéphanie, Petitimbert, Rémy, « Régulations locales du droit de l’environnement. Le cas du marché de l’évaluation environnementale », Gouvernement et Action Publique, (envoyé le 5 février 2024, en évaluation)
Chapitre d’ouvrage
Barral, Stéphanie, Rémy Petitimbert, Yves Bas, Séverine Bord, Géraldine Enderli, Fanny Guillet, et Zoé Pelta, « Au cœur de la séquence ERC – Tentatives de caractérisation de l’hétérogénéité des méthodes d’évaluation des impacts ». Infrastructures de transport créatives : Mieux les intégrer aux écosystèmes, paysages et territoires, 2024, 165‑177.