INTERCONNECT
- Interconnection d'infrastructures fluviales et biodiversité en co-évolution
Interconnection d'infrastructures fluviales et biodiversité en co-évolution
Le projet INTERCONNECT (« Interconnections d'infrastructures fluviales, usages et biodiversité en coévolution ») a visé à analyser les évolutions de la biodiversité rivulaire et des activités humaines dans les espaces fluviaux en interaction avec l’évolution de diverses infrastructures de transport et de production d’énergie. L’objectif final a été de proposer des mesures de d’adaptations infrastructurelles favorisant la restauration de biodiversité, tout en prenant en compte les usages humains. Les terrains d’études pour conduire cette analyse se situent sur le Rhin Supérieur ainsi que sur le Danube et son affluent l’Inn, dans la zone frontalière entre l’Autriche et l’Allemagne.
Dans un premier temps, l’équipe pluridisciplinaire a analysé la biodiversité avec un focus sur trois compartiments biologiques : la forêt alluviale, les macroinvertébrés et les poissons. Six sites ont été analysés pour la période entre 1950 et 2015 : Jochenstein-Engelhartszell (Danube), Passau-Ingling (Danube/Inn), Obernberg-Mullheim (Inn) Strasbourg-Kehl (Rhin Supérieur), Beinheim-Iffezheim (Rhin supérieur) et Kembs-Efringen-Kirchen (Rhin Supérieur). La constitution d’un jeu de données sur l’importance de la forêt alluviale et son interprétation à l’aide de méthodes spatiales innovantes a été le cœur du lot environnement. Les résultats montrent que les surfaces en forêt ont augmenté ou à peine diminué sur l’’ensemble des sites. L’utilisation innovante des matrices de transition a permis de mettre en évidence les transitions entre différents types d’occupation du sol. Ce travail montre une mutation des surfaces agricoles vers la forêt, et (2) une augmentation de la fragmentation des surfaces de forêt.
Le second lot s’est intéressé à la relation des réseaux d’infrastructures avec les différentes activités humaines présentes à leur contact, qu’il s’agisse d’usages économiques ou de loisir. Les résultats montrent des caractéristiques distinctes par site, mais aussi des tendances transversales d’usages et leurs relations avec les infrastructures. En particulier, il est remarquable que certains types d’usage connaissent des trajectoires similaires de progression ou régression sur l’ensemble des sites observés. Ce constat nous fait conclure que certains usages sont « gagnants » et d’autres « perdants » face à l’aménagement fluvial ou à l’équipement énergétique du cours d’eau. L’opposition entre usages mobiles dans l’espace et usages statiques semble la plus flagrante. Il y a une tendance au fort développement des usages qui se pratiquent de façon dynamique le long de la voie d’eau, que ce soit directement sur l’eau (principalement le transport fluvial, en particulier les croisières, mais aussi dans une moindre mesure le cas échéant le kayak ou l’aviron) ou sur ses berges aménagées (cyclisme, randonnées). Ces activités bénéficient directement de l’entretien des berges, de la connectivité transversale ainsi que d’un plan d’eau stable rendus possibles par les ouvrages.
Pour conclure notre travail, un troisième lot plus prospectif avait pour but d’explorer les possibilités d’adaptation infrastructurelles pour réconcilier les usages avec la restauration de la biodiversité. A cette fin, nous avons réalisé des démarches participatives sur deux des sites d’étude qui nous paraissaient particulièrement intéressants pour la complexité des enjeux qu’on y trouve : Strasbourg-Kehl et Jochenstein-Engelhartszell. Un « delphi de groupe » avec des experts en écologie nous a permis d’identifier les mesures de restauration écologique les plus prometteuses d’un point de vue scientifique. Dans un deuxième temps, deux focus groupes devaient s’organiser avec des parties prenantes, afin d’évaluer les mesures proposées par les experts scientifiques. Cependant, un seul focus groupe (Danube) a pu être réalisé dans le contexte actuel de la crise sanitaire (Covid-19).
La création de bancs de gravier semble être la mesure que les interrogés sur le Danube considèrent comme prioritaire, compte tenu de sa pertinence écologique, des usages humains en présence et des infrastructures existantes. Selon les interrogés, le concept de la restauration des bancs de gravier combine de manière exemplaire les fonctions écologiques (frayère, habitat, dynamisation de la rivière) et les usages humains (principalement la baignade, la pêche) sans nuire aux infrastructures (mesure sélective en dehors du chenal de navigation).
Sur le Rhin, la création et extension des zones protégées, ainsi qu’une modification de la gestion de l’eau, sont les mesures qui semblent d’être aussi pertinentes. Pour les experts rencontrés en Allemagne, la priorité se situe dans l’amélioration de l’état des forêts alluviales restants sur le Rhin Supérieur. A ces mesures s’ajoutent la réforme de l’administration allemande de voies navigables et de la navigation (WSV) et la restauration de la continuité transversale en France.