EFACILT
- Impacts des ILT sur les déplacements des mammifères terrestres et identification des points noirs, des "transparateurs et des besoins des espèces pour maintenir une connectivité fonctionnelle forestière
Impacts des ILT sur les déplacements des mammifères terrestres et identification des points noirs, des "transparateurs et des besoins des espèces pour maintenir une connectivité fonctionnelle forestière
Le programme EFACILT visait, au plan écologique, à déterminer les effets de deux ILT, l’autoroute A34 et le Canal des Ardennes, sur la connectivité du paysage pour différentes espèces de mammifères terrestres, le Cerf, le Sanglier, le Chevreuil et la Martre. Il a été conduit dans les Ardennes sur une zone géographique considérée comme un axe majeur de connectivité forestière, axe traversé de part en part par les deux ILT espacées d’environ 15 km.
L’objectif général visait à évaluer le comportement des animaux confrontés à ces barrières potentielles, la franchissabilité des ILT et le brassage génétique associé.
Cette étude s’est appuyée sur quatre outils d’analyse déployés de façon simultanée : 1- des analyses génétiques visant à comparer les profils génétiques des animaux placés de part et d’autre des ILTs ; 2- des suivis des déplacements des animaux par collier GPS afin d’évaluer leur comportement aux abords de l’autoroute ; 3- des pièges photographiques installés sur les ouvrages de franchissement des ILTs pour en évaluer leur fréquentation par les espèces cibles ; 4- la localisation des collisions et des noyades pour identifier de potentielles zones de traversée des ILT. Un travail de modélisation visait à construire des cartes de connectivité basées sur les données de déplacement des animaux, l’occupation des sols et la configuration des ILT.
Les résultats obtenus sont cohérents entre les outils et montrent un fort effet barrière de l’autoroute A34 chez le Cerf et le Sanglier mais pas chez le Chevreuil (ni la martre, à confirmer). Bien que les cerfs et les sangliers s’approchent régulièrement de l’autoroute, ils n’utilisent que très rarement les ponts qui la franchissent, contrairement aux chevreuils et aux martres (respectivement 12 et 23 ouvrages utilisés sur les 32 surveillés). Le canal quant à lui, n’engendre pas de rupture de connexion chez 3 espèces cibles (analyses en cours pour la martre). La surveillance photographique des ouvrages enjambant le canal ne montrant la traversée d’aucun cerf ou sanglier (au contraire des chevreuils), nous en déduisons que les individus de ces espèces parviennent à franchir le canal à la nage (confirmation par l’observation de coulées dans les zones de berges dégradées et suivi GPS martre) ou via un large passage naturel surplombant le canal. La mortalité observée dans le canal concerne principalement les chevreuils (18 cas signalés contre 4 sangliers) n’engendre donc pas d’effet barrière. Sur la base du suivi des déplacements des espèces, une analyse statistique a permis de construire des cartes de connectivité écologique basées sur la sélection ou l’évitement de catégories d’occupation du sol.
Un volet consacré à l’approche socio-économique visant à identifier des méthodes de résolution des injonctions contradictoires entre ILT et préservation de la faune a permis la rédaction de deux mémoires de Master « urbanisme en campagne ». Basés sur des revues bibliographiques et des enquêtes auprès des acteurs locaux, les principaux résultats montraient la faible prise en compte des problématiques de connectivité du paysage lors de la construction de l’A34. Ils pointent la nécessité de mener une réflexion sur l’estimation du coût de la perte de la biodiversité à confronter à celui des aménagements.
Apports et résultats
Les résultats obtenus ont montré que le canal des Ardennes ne constitue pas une barrière au flux génétique pour les trois voire quatre (martre) espèces étudiées même si des noyades de sangliers et de chevreuils sont régulièrement rapportées via le programme de recherche participative. Un programme de mitigation va s’appuyer l’identification des biefs accidentogènes pour la mise en place de « remontoir » pour la faune. En revanche, l’autoroute A34, si elle est transparente pour le Chevreuil (et sans doute la martre), constitue une barrière forte au flux génétique pour le Cerf et, dans une moindre mesure, pour le Sanglier. Les suivis GPS montrent pourtant leur fréquentation régulière des abords de l’autoroute, ce qui tend à penser que des aménagements ou des passages à faune pourraient permettre un rétablissement de la connectivité. La comparaison entre ces travaux et ceux précédemment réalisés par le CERFE sur l’A4 montrent des effets différents pour un même type d’ILT, l’A4 n’engendrant pas de rupture chez le Cerf. Le fait que l’A4 ne dispose pas non plus de passage à faune dédié nous amène à nous questionner sur l’utilisation différentielle des ouvrages non dédiés et sur une recherche de solution basée sur l’éthologie des espèces. En complément de ces résultats, les cartes de connectivité obtenues permettent de visualiser les zones qui seraient potentiellement les plus favorables à l’installation de passages à faune.
Préconisations pour l'action
Au plan appliqué, nous avons rédigé deux propositions pour la mise en transparence de l’A34. La première vise en l’aménagement d’un double ouvrage existant par la pose d’occultant, la plantation de bosquets arbustifs entre ces ouvrages et surtout l’enlèvement du grillage de l’ancien tracé de l’autoroute aujourd’hui inutile. La deuxième proposition porte sur la construction d’un passage à faune dédié dans une zone fortement fréquentée par les animaux suivis. Ces propositions ont été soumises à la DIR et à la DREAL dans le cadre d’une campagne de sélection de sites « points noirs ». Un partenariat avec la fédération des chasseurs et VNF a permis la pose de 4 premiers « remontoirs » destinés à permettre aux animaux de ressortir du canal. La poursuite du programme participatif de signalisation des noyades permettra de localiser plus finement les biefs à risque afin de pouvoir les équiper et de tester l’efficacité de différents types de remontoir.
Perspectives
Lorsque les préconisations proposées seront mises en œuvre, nous testerons leur efficacité par des études photographiques, voire génétique le cas échéant. Par ailleurs, nous envisageons de poursuivre ce travail par la mise en place de nouvelles solutions de réorientation des animaux, notamment les cerfs et les sangliers, basées sur des études comportementales d’attraction / répulsion que nous allons réaliser en collaboration avec la SNCF. Nous pensons en effet que, en plus des caractéristiques physiques des ouvrages présents, des aménagements prenant en compte le monde sensoriel des animaux pourraient les amener à diminuer leur méfiance quant aux franchissement des ouvrages.
Pour aller plus loin
Les résultats ont permis la rédaction d’un article scientifique accepté sur les pièges photo (Deep Faune), d’un article sur le volet génétique soumis dans la revue Landscape Ecology et d’un article en cours de soumission sur l’utilisation des ouvrages. Ces travaux ont aussi été présentés lors de conférences grand public et de colloques nationaux et internationaux (ICOET). Ils font l’objet d’un manuscrit de thèse qui sera soutenue en mars 2025.
site EFACILT (à mettre à jour) : https://urca-cerfe.jimdofree.com
site KISNOIE : https://kisnoie.univ-reims.fr