Suite aux Journées ITTECOP des 25 et 26 mars 2021
Les Journées ITTECOP se sont tenues les 25 et 26 mars 2021 en distanciel. Elles ont été l'occasion de présenter les résultats des projets issus de l'APR 2017 et les nouvelles recherches de l'APR 2020. Organisées autour de six sessions, une large place a été offerte aux échanges entre chercheurs et acteurs opérationnels.
Les synthèses présentées ci-dessous ont été rédigées par les animateurs de chaque session. Elles sont accompagnées d’une captation vidéo.
# Introduction
#1 Urbain et mesures environnementales
#2 Doctrines et gouvernance
#3 Eau, territoire et transports lents
#4 Nouveaux regards sur les dépendances
#5 Relations à la faune
# Conclusion
# Introduction
Les journées ont été introduite par Sophie BONIN, présidente du conseil scientifique et Thierry COURTINE, président du comité d’orientation.
Dans cette séquence sont présentés quatre projets retenus à l’issue de l’appel à projets de recherche ITTECOP 2020, dont un projet incubatoire (durée un an).
Dans un premier temps sont présentés les projets SEMEUR et ZIZANIE, (respectivement par Carmen Cantuarias et Fanny Guillet), projets qui traitent de l’aménagement et l’urbanisation en regard de l’artificialisation des sols. Les réponses aux questions relatives à ces deux projets sont regroupées à l’issue de cette première phase.
Dans un second temps sont présentés les projets MORPHÉE et IPAVIA, respectivement par Rémy Petitimbert et Nicolas Hautière) qui traitent d’outils et méthodes développés dans le champ de l’évaluation environnementale. Les réponses aux questions relatives à ces deux projets sont regroupées à l’issue de cette seconde phase.
SEMEUR et ZIZANIE sont des projets conduits par des équipes pluridisciplinaires, et déployés à la croisée des champs disciplinaires des sciences sociales et de l’écologie. Les deux projets ont en commun d’interroger les réponses apportées par les politiques publiques à la problématique du recul de la biodiversité en milieu urbain ; pour le projet SEMEUR, la politique publique locale, à travers les actions du plan Canopée mises en œuvre par le Grand Lyon, en réponse à la demande de services écosystémiques des habitants de Saint-Fons (par ailleurs les réponses apportées par les acteurs privés sont aussi étudiées) ; pour le projet ZIZANIE, la politique publique du ZAN (zéro artificialisation nette) à l’échelle du territoire métropolitain, en regard de l’impact écologique des aménagements réalisés.
Pour les deux projets, se posent en particulier des questions de temporalité : sur le projet SEMEUR, la prise en compte (dans les trois ans du projet), des actions réellement mises en œuvre pourra se faire en particulier dans le cadre du développement (en cours) du réseau de tramway à Saint-Fons ; sur le projet ZIZANIE, les inflexions écologiques ne seront pas observables sur la durée du projet de recherche (trente mois) ; toutefois les projets d’infrastructures étudiés auront fait l’objet d’une évaluation environnementale plusieurs années avant leur mise en œuvre. Celle-ci pourra être prise en compte. Par ailleurs, le projet ZIZANIE s’efforcera d’apporter des réponses relativement à l’échelle temporelle à laquelle réagir pour tenter d’améliorer l’opérabilité des données de biodiversité à l’échelle des projets d’infrastructures.
MORPHÉE, projet conduit comme SEMEUR et ZIZANIE, par une équipe pluridisciplinaire, et déployé à la croisée des champs disciplinaires des sciences sociales et de l’écologie, a pour objet l’analyse du marché de l’évaluation environnementale, sous l’angle de l’offre et de la demande. IPAVIA, projet incubatoire, interroge en quoi la visibilité atmosphérique est un service environnemental que l’on peut protéger et valoriser. Pour les deux projets, se pose la question de la bonne adaptation des méthodes et outils déployés, aux aménagements et milieux enquêtés.
Cette session riche en discussion a été l’occasion de montrer les résultats et les ambitions de quatre projets de recherches portant sur la prise en compte de la biodiversité, des continuités écologiques, des paysages et du climat par les infrastructures linéaires de transports. Ils apportent ou apporteront des éclairages inédits sur les négociations entre acteurs de la conception des aménagements, le calibrage de la séquence éviter, réduire, compenser (ERC), les pratiques d'instruction par les services instructeurs et l’autorité environnementale, ou encore l'intégration de la société civile dans les décisions.
Si la séquence ERC fait l’objet de nombreuses recherches depuis quelques années, l’intérêt était notamment ici d’approfondir davantage la phase d’évitement, en partie invisible dans un grand nombre de projets et sur laquelle peu de retours d’expériences sont disponibles. Au-delà des efforts de définitions et de délimitation dans le temps de cette étape à l’échelle d’un projet, il ressort des recherches que les enjeux se situent davantage au stade de la planification. Le projet InSERCAT (APR 2017) met ainsi en lumière combien la conception de l’aménagement du territoire par les collectivités repose le plus souvent sur une approche par l’offre à l’opposé de celle de gestion économe du territoire. À ce titre, les échanges ont souligné le paradoxe selon lequel les connaissances sont davantage fouillées dans les milieux urbains ou péri-urbains alors que les milieux plus sensibles se situent régulièrement dans les espaces ruraux où les acteurs disposent de moins d’accompagnement pour évaluer et valoriser cette spécificité. La formation et les moyens humains comme techniques restent un défi primordial dans la mise en œuvre de la séquence ERC. À cet égard, la démarche proposée par le projet E=RC+ (APR 2017) a l’avantage de reposer sur une participation active d’acteurs de tout bord via un jeu de rôle. Produit final de cette collaboration, le guide illustré très didactique met en place les conditions pour s’entendre sur l’évitement et notamment de discuter plus objectivement des différentes solutions alternatives à un projet ce qui permet d’aboutir plus facilement à un consensus.
Davantage inclure les citoyens et leurs revendications environnementales dans la construction et la gestion d’infrastructures linéaires de transport est en outre l’ambition portée par le nouveau projet PÉPITE (APR 2020) qui commencera sous peu. Le projet aborde ainsi un élément complémentaire de la procédure : les conditions de l’acceptabilité sociale, en proposant de caractériser la demande sociale et de la hiérarchiser en fonction des services écosystémiques environnementaux réels ou potentiels des infrastructures. Il sera intéressant de voir comment le public, les usagers, les voisins des infrastructures peuvent contribuer activement à la prise en compte de la biodiversité par les aménageurs. Autre partie extérieure sollicitée pour veiller à une bonne intégration de l’environnement par les projets et les plans, l’autorité environnementale est au cœur du projet PÉGASE (APR 2017, en cours). Ce dernier ayant présenté ses résultats intermédiaires montre que la conception initiale de l’étude d’impact par le législateur n’a pas prévu de garde-fous permettant un réel contrôle de la qualité des études avant la décision finale prise par l’autorité administrative. L’étude du fonctionnement interne et des décisions de l’autorité environnementale mise en place pour pallier cette situation (sur le plan national et régional) devrait mettre en lumière si les conditions d’une régulation efficace sont bien réunies. L’approche de droit comparé avec d’autres systèmes juridiques y compris hors Union européenne devrait ainsi apporter de nouvelles perspectives.
Cette table ronde a permis de présenter 2 projets de 2017 (INTERCONNECT et INFLUBIO) et 3 nouveaux projets 2020 (ATABLE, PADIT et NAVIDIV) avec pour chaque projet une conception propre de la biodiversité :
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INTERCONNECT : l’articulation des préoccupations d’usages humains avec la restauration de la biodiversité sur les rives du Rhin et du Danube ;
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INFLUBIO : la construction de scénario d’alerte pour la biodiversité, en phase de conception, chantier et d’exploitation des canaux Nord et Seine Nord ;
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ATABLE : une préoccupation de santé publique (en lien avec le pathogène du platane sur le canal latéral de la Garonne) ;
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PADIT : le choix de l’alimentation locale, structurée/déstructurée en lien avec les entrées et sorties de marchandises du port de Guadeloupe, permises par la conteneurisation réfrigérée ;
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et NAVIDIV : les effets du transport, directs sur l’eau et les milieux, et indirects sur les territoires attenants, pour 30 voies d'eau en Europe.
Pour autant, pour l’ensemble des projets, ressortent
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des questionnements communs, autour des continuités longitudinales et transversales (NAVIDIV, INTERCONNECT), des interfaces avec les territoires (articulation de la voie d’eau avec les autres infrastructures de transport dans INTERCONNECT, effet des gestions locales dans l’appréciation des effets du transport sur la biodiversité dans NAVIDIV, dimension patrimoniale et sociétale dans les projections pour le devenir des platanes dans ATABLE)
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l’intérêt d’une approche par les trajectoires socio-écologiques sur la longue durée (ATABLE, INTERCONNECT, INFLUBIO) et les scénarios
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des méthodes mêlant techniques quantitatives et qualitatives (entretien, ateliers de co-construction).
Cette table ronde a fait ressortir l'opportunité offerte par ITTECOP
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pour aborder les enjeux de biodiversité et de gouvernance dans une évolution des usages des espaces liés aux infrastructures de transport "aquatique" et pour traiter ces questions depuis l'échelle territoriale jusqu'à l'échelle continentale
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d’une intégration internationale de la voie d’eau, dans les équipes (INTERCONNECT, INFLUBIO), dans les méthodes de travail, par la comparaison des sites (ATABLE), l’intégration des réflexions internationales (INTERCONNECT, NAVIDIV)
En dépit de ce thème commun (le vocabulaire varie parfois : délaissés, abords), les dépendances, des projets variés sur le fond et montrant un dynamisme certain de la communauté ITTECOP (présence d’un projet exploratoire nouveau et de deux projets de recherche nouveaux faisant suite à des projets exploratoires).
Des caractéristiques très affirmées :
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La dimension internationale : dans quatre projets, coopération transfrontalière avec des chercheurs de Belgique et coopération franco-néerlandaise ;
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La dimension multidisciplinaire : confirmation de la place du droit dans le programme ITTECOP, soit par la participation de juristes (projet PADDLe), soit par l’analyse de dispositifs juridiques (projet Lignes créatives), émergence de la présence de psychosociologues (projet PADDLe, projet T'ILT), un exemple d‘équipe ayant réussi à mettre sur pied une méthodologie très unifiée (projet SALTUS) ;
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Une approche assez réductrice de la biodiversité (même si, en l’espèce, il ne s’agit pas de cibler sur la seule biodiversité protégée) : accent sur la végétalisation des dépendances ; a été parfois critiquée la non-prise en compte de la faune (projet T'ILT) ;
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Une diversité des livrables : rapports scientifiques, mais aussi livrables opérationnels : un modèle de partenariat de gestion durable par type d’ILTe (projet PADDLe), un plan de gestion testé et repris après une (au moins) expérimentation (projet SALTUS), des recommandations à une agglomération (projet T'ILT).
Une thématique fréquente : la tension entre les différents acteurs, mais aussi entre les valeurs, entre biodiversité et récréation. L’approche écologique parfois réductrice s’explique aussi par un objectif plus holistique et multidisciplinaire où la biodiversité est aussi considérée pour son acceptabilité sociale.
Des questions spécifiques intéressantes scientifiquement et socialement :
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Le sol, levier d’innovation climatique et sociale (puits de carbone dont la gestion doit être optimisée) : une question peu souvent abordée, ce qui justifie le caractère exploratoire du projet, y compris dans sa méthodologie (projet INFRASolC) ;
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Le lien entre étude sur les lichens et la pollution de l’air, un aspect peu pris en compte dans ITTECOP (projet SALTUS) ;
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L’espace public informel : pourquoi formaliser et où formaliser ? (projet SALTUS, projet T'ILT).
Un dialogue entre équipes émerge : projets T'ILT et SEMEUR.
La session regroupait les présentations de 2 projets terminés et 2 projets débutant qui portaient tous sur les liens entre les ILT et la faune. Les chiroptères, les lynxs, les grands ongulés étaient notamment au cœur de ces projets. Les 2 projets terminés ont tous les deux abouti à des propositions pour des améliorations opérationnelles pour la préservation de ces espèces et les nouveaux projets visent cet objectif.
Kevin Barré et Samuel Challéat ont présenté les résultats de CHIROLUM : comment limiter les impacts écologiques de l'éclairage artificiel nocturne le long des ILTe ? Quelle est l’influence des paramètres lumineux des LEDs sur les mouvements des chiroptères ? Sarah Baudoin a présenté ceux de ERC-LYNX : éviter, réduire et compenser le risque de mortalité du Lynx par collision avec les véhicules de transport ; développer un outil prédictif opérationnel à destination des gestionnaires des infrastructures de transport terrestre couplant risque de collision, viabilité des populations de Lynx et enjeux des territoires.
Caryl Buton a exposé ce que prévoit le projet ESCAPE XXL. Il porte sur un retour d’expérience sur les dispositifs de sortie des clôtures pour la grande faune sauvage. Alain Morand a présenté le projet COCPITT : Collisions opportunistes et collisions protocolées liées aux infrastructures de transport terrestre.
Les présentations ont donné lieu à un échange important par tchat notamment pour CHIROLUM dont les résultats et leur traduction opérationnelle a suscité beaucoup d’interrogations, la recherche montrant que des solutions techniques simples n’existent pas (tous les spectres de lumière ont un impact) et que les solutions passent plus par la gestion de l’éclairage. Les discussions ont porté sur : hauteur et orientation des lampadaires, composition spectrale de la lumière rouge, comptage d’insectes sous les lampes et mise en relation avec la présence de chauves-souris, lien sécurité/obscurité notamment pour la sécurité routière… Le volet d’enquête auprès des acteurs concernés par l’éclairage du canal du Midi a montré l’importance de prendre en compte les besoins et usages aussi bien des espèces non humaines qu’humaines et l’importance d’une gouvernance partagée pour passer du paradigme « obscurité comme danger à combattre » vers celui « obscurité comme ressource et bien commun ».
En ce qui concerne COCPITT, les discussions ont plus porté sur ce que voulait dire un tronçon sans collision repérée : est-il un signe favorable ou au contraire traduit-il un milieu « vidé » de sa faune ? D’autre part, la difficulté de collecte des données de collisions et de motiver les gestionnaires à transmettre ces données a été relevée.
Pour ESCAPE XXL, il a été proposé de se rapprocher aussi des aéroports, qui sont clôturés, et qui peuvent aussi être équipés d’échappatoires (par exemple en Suisse). La Belgique et les Pays-Bas, ainsi que différents pays d’Europe de l’Est ont des ILT équipées d’échappatoires
Les infrastructures de transports terrestres qu’elles concernent le transport de personnes, de biens ou d’énergies, visent à connecter les espaces anthropisés, structurant ainsi les paysages qu’elles traversent. Pour la biodiversité des milieux ainsi traversés, ces infrastructures jouent un rôle structurant particulièrement complexe, et encore mal compris malgré de nombreux travaux visant à éclaircir le sujet.
Ainsi les revues systématiques conduites par les phases successives du projet COHNECS-IT mettent en avant le foisonnement et l’engouement des travaux conduits sur les effets des infrastructures linéaires de transport sur la biodiversité, mais aussi les difficultés à conduire sur le sujet des travaux suffisamment robustes et reproductibles pour conduire des méta-analyses susceptibles de bénéficier d’une vue d’ensemble robuste sur les interactions complexes entre ILT, paysages et préservation de la biodiversité. Avec la troisième phase du projet COHNECS-IT retenu à l’appel à projets ITTECOP 2020, les équipes impliquées espèrent commencer à lever le voile sur certaines de ces interactions complexes en traitant le sujet des effets des ILT sur les espèces végétales des abords d’infrastructures et pouvoir ainsi explorer les interactions entre les résultats des phases précédentes et les produits de ces nouveaux travaux.
Grâce au développement des collaborations avec le CESAB (Centre de synthèse et d’analyse sur la biodiversité), le programme ITTECOP bénéficiera aussi des travaux réalisés à large échelle et sur de grands jeux de données internationaux étudiant les communautés végétales des espaces bordant les infrastructures de transports et des lisières des espaces agricoles ainsi que leurs interactions conduits par l’équipe internationale du projet BRIDGE. Après l’utilisation des travaux publiés grâce aux revues systématiques, le programme ITTECOP complète ainsi sa palette d’approches de capitalisation sur les connaissances existantes pour comprendre les interactions complexes entre biodiversité et infrastructures.
Enfin, et fort des travaux réalisés durant la dernière décade, le programme ITTECOP poursuit le soutien à la recherche de terrain visant à comprendre les interactions entre paysage, ILT et connectivité écologique pour les espèces animales. C’est notamment l’objectif du projet EFACILT qui utilisera des combinaisons de méthodes d’expérimentation in situ complémentaires éprouvées par de précédents projets soutenus par le programme dans un cadre méthodologique robuste fortement inspiré par les travaux conduits dans COHNECS-IT.
# Conclusion
Sophie Bonin, Présidente du conseil scientifique d’ITTECOP
Cette journée et demie, qui a vu se succéder la présentation de près de 30 projets, permet de confirmer :
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Le caractère international maintenant acquis des projets supportés par ITTECOP, à travers les bibliographies et les bases de données utilisées par les équipes, résolument internationales. L’alliance avec l’appel du CESAB permet de renforcer ce rôle du programme dans la diffusion et le transfert des travaux menés dans une communauté mondialisée. Cette dimension se renforce aussi par des collaborations avec des chercheurs étrangers : ici, un tropisme net se manifeste avec la Belgique et les Pays-Bas. On peut y voir un rappel de l’importance historique et politique dans ces pays des recherches sur les problématiques écologiques confrontées aux grandes opérations d’aménagement.
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Le caractère multidisciplinaire du programme, en particulier entre sciences humaines et sociales, géographie, économie, droit, politique, avec les sciences écologiques ou de l’ingénierie. Cela est rendu d’autant plus manifeste que toutes les équipes ont le souci de « servir », au sens vraiment d’être au service d’une amélioration de nos pratiques écologiques au sens large : amélioration de la qualité des milieux concernés, des modes de gestion, des modes de conception, et enfin amélioration des relations entre les niveaux de décisions. Ce sont des projets de « recherche impliquée », qui aboutissent à fournir des outils de tous ordres : produire des connaissances pour pouvoir agir. On parle ici de connaissances techniques, scientifiques, fondamentales ou appliquées, mais aussi d’outils réflexifs, c’est-à-dire de travaux qui consistent aussi à donner des clefs de lecture, une meilleure compréhension en particulier des relations entre politique, norme et action locale.
Les enseignements que l’on peut retirer à ce stade sont méthodologiques et théoriques d’une part, à destination des politiques publiques d’autre part.
Du point de vue méthodologique, premier point du côté de la prise en compte de la biodiversité : depuis une dizaine d’années, on est véritablement passé d’observatoires par inventaires, à l’instant t, à des suivis dynamiques, et un besoin de développer nos connaissances et méthodes sous cet angle d’évolution dans le temps. Les projets s’intéressent à ces temporalités à des échelles variées : les cycles jours/nuits ou saisonniers, et les évolutions diachroniques bien sûr, mais cela conduit à des analyses qui vont jusqu’aux questions d’influence des infrastructures sur les vitesses de déplacements des animaux ! Second point, ces changements d’échelle et de focales sont aussi mobilisés dans tous les projets sous l’angle spatial. Un pas énorme a été franchi de ce point de vue, par l’introduction devenue incontournable des questions territoriales : ces échelles spatiales amènent aussi à traverser les compartiments du mille-feuilles territoriale. On arrive ainsi à voir des projets transdisciplinaires, au sens où ils cherchent l’intégration des savoirs savants et profanes, leur inclusion dans les démarches, et le développement de pratiques de la recherche en interaction entre scientifiques et acteurs politiques, institutionnels et informels.
Du point de vue des politiques publiques et des recommandations opérationnelles, elles sont liées au dernier point : on observe un élargissement ou du moins un mouvement des explorations entre temporalités différentes, spatialités différentes, qui de fait favorisent le dialogue avec une diversité d’acteurs concernés.
Le mot de transition socio-écologique a été lâché, il convient bien à plusieurs conclusions données : les recommandations techniques, comme celles sur l’évaluation des outils juridiques ou normés (études d’impact, documents de planification, compensation écologique, zéro artificialisation nette), ou sur la gouvernance, émises pour de meilleurs résultats écologiques, passent par des recommandations sociales, humaines. Elles s’expriment par le besoin d’une pédagogie, une sensibilisation, ou par des échanges, voire la co-construction de projet soit avec les gestionnaires, soit plus largement avec la société civile et les acteurs informels.
En s’élargissant ainsi, en prenant en compte les contextes, les approches de type écosystème et les approches de type paysage convergent, et c’est bien là l’apport des réflexions sur la place des territoires.
Enfin, quelques points d’attention, et quelques points utiles.
Suite à ces Journées, les points d’attention identifiés sont :
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tout outil a ses limites, n’est valable que dans un cadre défini ;
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toute prise en compte d’une espèce n’est valable que pour cette espèce ;
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la focalisation sur les espèces remarquables a ses intérêts bien sûr, mais les préoccupations pour la biodiversité ordinaire sont devenues importantes, et la focalisation sur des espèces emblématiques peut avoir des revers
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il reste des angles morts, des thèmes encore peu explorés dans ITTECOP, sans doute aussi parce qu’il existe d’autres sources de financement de recherche. Il faudrait alors aller les chercher, car ces thématiques sont importantes pour notre communauté : l’agriculture et les perspectives offertes par l’agroécologie, l’énergie (aussi bien les questions de transport et leurs infrastructures, mais aussi pour toutes les infrastructures les impacts de nouvelles énergies, ou des mobilités et des enjeux de réduction énergétique). On constate aussi peu de projection sur les changements des infrastructures elles-mêmes, alors qu’émergent des questionnements locaux sur la réversibilité ou de nouvelles façons de concevoir et de construire pour le transport.
Les points utiles identifiés sont :
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Les proximités entre certains projets sont bien ressorties, que ce soit sur des thématiques (faune sauvage, normes et doctrines, connectivités, eau…), ou sur des approches (critiques et évaluations des pratiques actuelles ; connaissances de la biodiversité…). Mais cette journée et demie fait ressortir aussi l’intérêt du dialogue avec des projets éloignés, des liens à faire : par exemple SALTUS, PADDLE et TIL’T sur les nouvelles gestions possibles des dépendances, et nouveaux regards, pourraient s’emboîter et dialoguer fructueusement avec les recherches sur la faune sauvage, ERC-LYNX ou CHIROLUM, qui en montrant les effets barrières montrent l’importance du contexte et des modes de gestion des abords. Les projets SEMEUR ou PÉPITE, intéressant entre eux par des méthodes d’évaluation des préférences sociales à mettre en regard, sont aussi susceptibles de se nourrir des résultats des investigations sur les « non humains ».
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Des résultats sont directement applicables à des recommandations opérationnelles, en particulier à destination des porteurs d’action publique : le colloque a permis de bien exprimer le besoin d’harmoniser les méthodes d’évaluation environnementale des bureaux d’étude, les cadres des inventaires, l’inclusion des connaissances sur les dynamiques dans ces méthodes. Les chercheurs apportent une meilleure compréhension de ce dont on a besoin et des problématiques quant à la percolation entre connaissances scientifiques et pratiques des opérateurs ou politiques publiques. C’est ensuite à ces derniers de s’en saisir et c’est bien le vœu qui peut être formulé à l’issue de ces projets et de ces échanges.